La vague grossit…
Depuis plus de deux ans d’usage du BIM et de différents rendez-vous lors des événements rassemblant les acteurs de la construction en France, je constate des changements rapides et majeurs des comportements.
Les salons deviennent très vite étriqués et doivent migrer tant ils sont sollicités par les entreprises et dans le même temps, le nombre de visiteurs a considérablement augmenté. Les conférences et autres rendez-vous mettent en lumière de nouveaux visages, qui ont pu se former et devenir des experts du BIM grâce à diverses formations, de l’utilisation des outils jusqu’à la mise en place du processus au sein des entreprises. De nouvelles solutions en partie gratuites naissent chaque jour, permettant ainsi à tous de se lancer.
Tous ces phénomènes traduisent un véritable engouement vers ce nouveau processus de travail, car rappelons que le BIM est avant tout un processus de travail et non simplement des outils. Ces derniers sont nécessaires à la mise en place du BIM mais ne sont pas les fondements des pratiques du BIM.
On voit donc un nouvel état d’esprit apparaître. Les acteurs friands de passer au BIM sont plus entrain à partager et à échanger avec l’ensemble des collaborateurs d’un même projet, là où auparavant, chaque acteur retraçait de son côté les plans selon ses propres besoins, avec uniquement les données que ses partenaires acceptaient de lui transmettre.
Il a fallu et il faudra encore changer les mœurs et les habitudes, mais on sent une réelle volonté de travailler ensemble.
Dans le passé, il y avait également une réticence vis-à-vis de la législation, pour laquelle des solutions contractuelles se mettent peu à peu en place pour continuer d’utiliser les lois du bâtiment existantes adaptées à un nouveau processus de travail et aux nouvelles technologies. On peut se féliciter d’avoir des maîtres d’ouvrages qui poussent vers cet idéal en commandant des projets BIM, permettant ainsi aux premiers volontaires de répondre en BIM, puis à ceux qui observent de se lancer, pour enfin embarquer l’ensemble de la profession dans l’aventure du BIM.
L’intérêt du BIM pour la construction : la rendre plus robuste.
Dorénavant, le BIM permet donc de créer un avatar du bâtiment et de le conserver après sa livraison pour un suivi tout au long de son cycle de vie. On parle de « carnet de santé » du bâtiment.
Il permet de centraliser les données pour chaque produit du bâtiment, et de donner accès à ses données aux différents acteurs du projet.
Il permet également de mettre en évidence des « clash détection », et de les résoudre par anticipation en équipe sur la maquette, et non plus de démolir et d’adapter sur le chantier. Avec cette méthode, on ne devrait plus noter d’écarts entre les CCTP et les DOE.
Le BIM permet de tester virtuellement la structure, le confort, la conformité thermique, l’économie… en amont, grâce à des outils de simulation. Cela permet de réaliser des espaces complexes avec l’assurance d’une réalisation en bonne et due forme.
Levez le frein et lancez le train !
Certes, le BIM chamboule un peu les habitudes de travail. On passe plus de temps en amont du projet, sur les étapes de conception, ce qui remet en question les temps des phases définies par la loi MOP… et leurs rémunérations. Il est donc important de contractualiser chaque phase et chaque mission pour les adapter au BIM. Mais le plus dur qui reste à faire, c’est de combattre les idées reçues.
« Le BIM j’en ai entendu parler, je connais, ce n’est pas adapté pour nous, on est une petite agence. »
Voici une phrase type que l’on peut entendre fréquemment, et qui soulève plusieurs sujets…
On sait parfaitement que les architectes et maîtres d’ouvrage courent après le temps; et que prendre le temps de se former et se renseigner correctement sur les avantages de nouvelles méthodes n’est pas toujours la priorité.
« Après tout, nos outils fonctionnent et on a l’habitude de travailler comme ça. » C’est une expérience dont je me rappelle très bien lors de mon passage en agence d’architecture.
J’ai appris que prendre le temps de se former et d’apprendre correctement de nouvelles méthodes et/ou outils fait perdre du temps et de l’argent à court terme et fait prendre un retard qui parait phénoménal. Mais lorsqu’on revient dans la partie avec de nouvelles compétences, on rattrape ce temps plus rapidement qu’avec de vieilles méthodes, qui nous paraissent rapidement dépassées alors qu’on les utilisait encore hier. Ce que je veux mettre en lumière, c’est le fait de parfois lever la tête pour prendre du recul peut permettre de faire un bond en avant, ou d’éviter l’arbre !
Concernant ensuite le « ce n’est pas adapté pour nous ». J’espère que si ! Ce n’est pas au BIM de s’adapter aux acteurs mais à eux de l’adapter à leurs projets, de choisir leurs outils (qui sont de plus en plus divers et variés en termes de prix et de solutions). De plus, comme évoqué précédemment, le BIM est un processus et non un outil : dès lors qu’on sélectionne les programmes qui correspondent à l’activité, il est possible de s’adapter. La plupart des architectes travaillent déjà sans forcément s’en rendre compte avec des outils adaptés au BIM. Une petite formation de perfectionnement peut alors suffire pour se lancer.
Enfin, quant aux types de projets les plus adaptés au BIM, là encore ce sont des idées reçues. Tout dépend des objectifs du projet pour le maître d’ouvrage. S’il souhaite une maquette numérique lui permettant d’assurer la maintenance de son bâtiment, faire des simulations techniques réelles ou encore suivre le cycle de vie de son bâtiment, peu importe que ce soit un projet international de plus de 1000 m² ou une cabane de 10m² dans le Larzac.
Lorsqu’il s’agit d’une demande de la part du maître d’ouvrage, celle-ci se contractualise et se rémunère, car elle demande un travail et des compétences supplémentaires. Certes l’effort pour l’architecte est parfois plus important, mais à long terme, lorsque le client recontacte la maîtrise d’œuvre pour faire évoluer son projet dans une 2ème phase, l’architecte n’a nullement besoin de se rappeler de chaque contenu puisque tout est centralisé dans la maquette numérique… Ce qui facilite alors le travail de l’architecte pour la transformation en résidence secondaire de la fameuse cabane du Larzac ! ?
Et vous, quelle est votre phase de maturité vis-à-vis du BIM ? Quel retour d’expérience avez-vous engrangé de vos premiers projets livrés pour le BIM ? Quels outils recommanderiez-vous ? Dites-nous tout !
Charlotte Pellerin, architecte